Même si nous n’en sommes pas conscients, le succès des autres nous remet en question, comme l’explique Luce Janin-Devillars*, psychanalyste – Par Valérie Josselin
Pour faire carrière, il ne faut pas être trop gentil
L’avis de la psy : Dans L’imaginaire collectif, pour réussir, il faut être un guerrier, mettre à distance ses émotions. Cette affirmation peut refléter la peur d’introduire de l’affect dans la sphère professionnelle, d’être « mis à nu » si on laisse tomber la carapace sociale. Mais ce peut être aussi un parti pris éthique face à certaines conceptions (individualisme, opportunisme…) auxquelles on ne souhaite pas adhérer.
Je me suis fait(e) tout(e) seul(e)
L’avis de la psy : La réussite est toujours conditionnée par les rencontres et les opportunités. S’en octroyer la seule responsabilité est un tour de passe-passe psychique destiné à renforcer l’estime de soi. Chez les femmes, cela peut être aussi un moyen d’éloigner le spectre de la promotion canapé.
Cette affirmation fait aussi référence à l’influence de la pensée sur le comportement, prouvé par les neurosciences. De là à penser que l’esprit est tout-puissant sur la matière, il n’y a qu’un pas.
Quand on veut, on peut
L’avis de la psy : Le « y’a qu’à » est l’expression préférée des petits enfants qui se croient Les maîtres du monde parce qu’ils découvrent avec jouissance qu’ils sont assez forts pour faire des choses tout seuls. Chez les adultes, elle dénote une volonté immature. Car la réalité s’oppose parfois à nos désirs. Par ailleurs, un objectif, ça se construit dans la durée, avec l’aide des autres. C’est enfin une excuse imparable en cas d’échec : «Au fond, je ne le voulais pas vraiment ! »
OK, elle a un très bon job, mais elle est seule
L’avis de la psy : Comme si les femmes qui réussissaient étaient condamnées au célibat et ne pouvaient être soutenues par un homme ! C’est aussi une façon de minimiser leur réussite si elle nous renvoie à notre manque d’ambition ou dérange notre idée que le bonheur d’une femme est indissociable de l’épanouissement amoureux et familial.
* Luce Janin-Devillars, coach et psychanalyste
« Les freins au succès sont surtout internes : le manque de confiance en soi, la surestimation des autres. Et des injonctions parentales qui nous murmurent des messages emprisonnants
« Ne sois pas toi-même », « Ne grandis pas… » On peut aussi rester inconsciemment loyal à ses parents en s’empêchant de faire autrement qu’eux. »